La législation du portage salarial : enjeux et perspectives pour les travailleurs indépendants

Le portage salarial est une solution de plus en plus plébiscitée par les travailleurs indépendants pour conjuguer la liberté d’entreprendre et la sécurité du statut de salarié. Cependant, ce dispositif soulève également des questions relatives à sa réglementation et à son encadrement. Afin de mieux comprendre les enjeux qui entourent la législation du portage salarial, cet article vous propose un tour d’horizon complet sur le sujet.

Le portage salarial : définition et fonctionnement

Le portage salarial est une forme d’emploi qui permet à un professionnel de réaliser des missions pour le compte de clients tout en bénéficiant du statut de salarié. La relation triangulaire entre l’entreprise cliente, le travailleur indépendant et l’entreprise de portage, appelée société de portage salarial, est au cœur de ce dispositif.

Dans le cadre d’un contrat de prestation conclu avec l’entreprise cliente, le travailleur indépendant effectue ses missions sous la responsabilité juridique et administrative de la société de portage. Cette dernière facture les prestations réalisées par le professionnel auprès du client et lui reverse ensuite un salaire, après déduction des charges sociales, des frais de gestion et éventuellement des cotisations retraite complémentaire.

Un encadrement législatif progressif

En France, le portage salarial a connu une reconnaissance législative progressive. La loi de modernisation du travail du 25 juin 2008 a été la première à mentionner le portage salarial et à poser les bases de son encadrement. Cependant, ce texte ne contenait pas de dispositions spécifiques relatives au portage salarial.

La loi relative au Travail, à la formation professionnelle et au dialogue social du 5 mars 2014, dite loi El Khomri, est venue apporter des précisions sur le régime juridique du portage salarial. Elle a notamment défini les conditions d’exercice de cette activité, en imposant aux sociétés de portage d’être inscrites au registre du commerce et des sociétés et d’être titulaires d’une garantie financière suffisante pour assurer le paiement des salaires et des cotisations sociales.

En outre, la loi El Khomri a prévu la conclusion d’un accord national interprofessionnel (ANI) entre les partenaires sociaux pour déterminer les règles applicables en matière de portage salarial. Cet accord, signé le 21 mars 2017, a été étendu par arrêté ministériel le 2 avril 2017 et s’applique désormais à l’ensemble des entreprises de portage salarial.

Les principales dispositions réglementaires

L’ANI du 21 mars 2017 fixe un certain nombre de règles concernant notamment :

  • La qualification professionnelle : le travailleur indépendant doit justifier d’une expertise, compétence ou qualification dont l’entreprise cliente a besoin pour la réalisation de la prestation.
  • Le contrat de travail : un contrat à durée déterminée (CDD) ou un contrat à durée indéterminée (CDI) doit être conclu entre le travailleur indépendant et la société de portage. Ce contrat doit préciser les conditions d’exécution de la prestation, sa durée, ainsi que le montant du salaire versé au travailleur indépendant.
  • La rémunération : le montant minimum du salaire versé au travailleur indépendant est fixé à 70 % du montant HT facturé par la société de portage à l’entreprise cliente, après déduction des frais de gestion et des cotisations sociales. Il ne peut être inférieur à 2 900 euros bruts mensuels pour un temps plein.
  • Les frais professionnels : les frais engagés par le travailleur indépendant dans le cadre de l’exercice de son activité peuvent être remboursés par la société de portage sur présentation des justificatifs correspondants.

Perspectives d’évolution

Si la législation encadrant le portage salarial s’est étoffée ces dernières années, certaines questions demeurent en suspens. Parmi celles-ci figurent notamment :

  • La possibilité d’accès au portage salarial pour les professions réglementées, telles que les avocats, les experts-comptables ou encore les architectes;
  • L’extension du champ d’application du portage salarial aux travailleurs étrangers ou aux personnes sans emploi;
  • La prise en compte du portage salarial dans le cadre des dispositifs de retour à l’emploi et de formation professionnelle;
  • La clarification du régime fiscal applicable aux revenus tirés du portage salarial.

Face à ces enjeux, les acteurs du portage salarial et les pouvoirs publics devront poursuivre leur dialogue afin d’adapter la législation en vigueur aux évolutions du marché du travail et aux besoins des travailleurs indépendants.

Le portage salarial offre une alternative intéressante pour les travailleurs indépendants qui souhaitent bénéficier des avantages du statut de salarié tout en conservant leur autonomie. Si un encadrement législatif a été progressivement mis en place pour sécuriser cette pratique, des évolutions restent à anticiper afin d’adapter le dispositif aux enjeux actuels et futurs du marché du travail.